SUJET : Bornéo, des hauts et débats... Sabah comme vous voulez ?

Il faut dire que nos amies (sic) à six pattes doivent être particulièrement peu ragoûtantes pour partager sans crainte le gîte d'insectivores aussi réputés que les chauves-souris et les hirondelles (qui n'en sont pas, mais comme dirait Kipling, c'est une autre histoire. Rassurez-vous, ou pas, je m'en vais ou m'en vas, l'un et l'autre se dit ou se disent, vous la conter sous peu).

213-214

Peu ragoûtantes mais inoffensives, à condition de ne pas glisser dessus en les écrasant du moins. Et ce pourrait être pire, il pourrait y avoir des insectes dangereux. Il n'y en a pas. Mais il y a ça :

215-216-217 Centipède , Thereuopoda sp., Centipede

Des individus à qui il ne vaut pas mieux serrer la pince (ou une de leurs multiples pattes), s'pas ?

J'avoue humblement que vu la quantité de blattes que je vois, je ferai quelques cauchemars les nuits suivantes. Ces insectes volants et courants sont un peu ragoutants.J'espère bien que ce ne sont pas les seuls animaux que vous avez vus dans cette grotte.
Puis-je préciser, Bernard, que ta "blonde" fait un blocage sur cette espèce qui n'est pas mentionnée dans l'index. Quand même un animal aussi adapté à la civilisation que celui-ci mérite d'y figurer en bonne place.

Quelle mauvaise frequentation ce bar euh cette cave!

Que de bons et beaux souvenirs sauf peut-être la douce odeur d'ammoniac qui s’échappe de la grotte

Je me régale de toutes ces belles rencontres, les images sont fabuleuses

Merci du voyage

La grotte n'a rien à envier à un passage du "Temple maudit" : "J'ai l'impression de marcher sur des gâteaux secs"...
La répugnance pour les cafards met tout le monde d'accord, c'est le truc universellement partagé. Pouakr !

Votre unanimité me réjouit !
Mais les cafards, même de bonne taille comme ceux-là (3 cm à peu près) ne sont pas dangereux. On ne peut pas en dire autant des centipèdes, dont on nous avait tu l'existence, nous demandant seulement de porter des chaussettes et des chaussures montantes

Nous n'avons pas eu droit à l'odeur d'ammoniaque, Romain, sans doute parce que les hirondelles n'étaient pas là pour contribuer fraîchement à la croissance de la couche de guano qui couvre le sol. Ce guano, parlons-en : il est, comme celui récolté de l'autre côté du Pacifique, très apprécié comme engrais, mais ici, il n'est exploité que partiellement. J'explique : pour donner aux cueilleurs de nids d'hirondelle une chance de survie en cas de chute, seule la couche superficielle du guano est récoltée.
Ah, et les nids d'hirondelle, parlons-en aussi : d'abord, ce ne sont pas des nids d'hirondelle mais des nids de martinet. Ensuite, ce ne sont pas des nids confectionnés avec des végétaux, des poils ou des plumes, mais avec la salive, ou plutôt le mucus présent dans la salive des susdits martinets. Ce mucus peut servir à l'édification du nid à l'exclusion de tout autre matériau, et produit alors des "nids blancs", plus prisés donc plus chers, ou être mélangé à des algues, des plumes, avec production de nids foncés, gris-noir, moins prisés donc moins chers..

Un nid blanc (photo d'Alibaba.com)


Incolore, le nid est également inodore et sans saveur. Alors pourquoi les soupes de nid d'hirondelle/martinet sont-elles si appréciées ? Eh bien, en grande partie pour des raisons médicales, bien sûr. Mais pas n'importe quelles raisons médicales, des raisons de médecine traditionnelle, lutte contre le vieillissement principalement.
Et la petite partie ? Le bling-bling ! Difficile à croire, en voyant la photo ci-dessus, on a du mal à associer ce truc blanc informe à une Rolex en or et diamants, à une Cadillac, un yacht, etc. Mais c'est que le nid d'hirondelle était apprécié des empereurs et princes chinois, qui allaient les faire chercher à des distances considérables et les payaient un prix qu'eux seuls pouvaient se permettre. Ajoutez la rareté, le raffinement supposé qu'il y aurait à goûter un aliment sans goût propre, et hop, tout chinois aisé se doit de régaler ses hôtes d'une soupe de nid de martinet ! L'Indonésie (dont la partie indonésienne de Bornéo, Kalimantan) est le principal "producteur" de nids, Hong-Kong est le principal importateur. Un kilogramme de nid blanc frais de qualité s'y négocie de 3 à 5000 $ US...


On comprend qu'il y ait des amateurs pour la "cueillette", s'pas ? La récolte des nids est encadrée, très encadrée, à Sabah, c'est même une activité "nationalisée". Il y'a deux ou trois récoltes par an, évidemment avant la ponte. Ainsi encadrée, les oiseaux devraient ne pas être mis en danger par ces spoliations répétées. Les espèces productrices, qui font partie de la famille des Apodidae, ici à Sabah, Aerodramus fuciphagus et Aerodramus maximus ne sont effectivement notées que comme LC, Least Concern, dans la liste rouge de l'IUCN. On nous a dit que, cueillette de nid ou pas, les martinets font un ou deux nids avant le nid "définitif" qui servira à la ponte, à la couvaison, et à l'élevage au nid des rejetons, élevage long d'une quarantaine de jours.

Les conditions de vie des cueilleurs sont difficiles : les nids sont tout en haut des parois, malgré le guano, toute chute a des conséquences graves, l'environnement est chaud, humide et fortement blatté, centipédé et, moins grave, chauve-sourissé. Les chauves-souris n'y manquent pas de noms, aussi bien en français qu'en anglais, jugez-en : Molosse de Thailande, Tadaride de Thaïlande, Chauve-souris à lèvres plissées, Wrinkle-lipped Free-tailed Bat, Wrinkle-lipped Bat, Chamchecka Bull-dog Bat, Plicated Bat, Furrow-lipped Molossus, ouf !

218- 219 Chauve-souris à lèvres plissées, Chaerephon plicatus, Wrinkle-lipped Free-tailed Bat







La colonie de chauves-souris insectivores vit dans la grotte en journée et la quitte, principalement par une grande ouverture dans son plafond, un peu avant le crépuscule.

La baraque de gardien installée au milieu de la grotte donne une idée du confort tout relatif qui est alloué aux travailleurs malais de base :

Nous sortons rejoindre Catherine, je fais un petit tour dans le bâtiment administratif des grottes



qui offre des informations sous forme de posters, sur les grottes proprement dites :


mais aussi sur la faune de Bornéo

Nous ne sommes pas les seuls à quitter la grotte...

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Une nuée de chauves-souris a quitté son gîte, qui est aussi son couvert, pour gagner son couvert en plein air. Mais d'autres ont la même idée, nous assisterons à un kill de chauve-souris par leur principal prédateur, le bien nommé Milan des chauves-souris. Mais malheureusement de loin et avec un matériel inadapté à la capture de la scène, 300 mm certes avec doubleur mais sur boîtier FF EOS 1 Dx),

221 Milan des chauves-souris, Macheiramphus alcinus, Bat Hawk

Mais il sera beaucoup pardonné à ce cher (...) 1 Dx qui, sur le chemin du retour dans la forêt, permet à Catherine de photographier un mini piafou agité à 25 600 ISO (et f:2,8 au 1:250 s) :

222 Akalat de Horsfield, Malacocincla sepiaria, Horsfield's Babbler

Il vaut son pesant de nids d'hirondelle ce 1Dx !
Il est bien se piafou dans la pénombre, voire la nuit...

En fait de piaf, nous aussi on piaffe mais c'est d'impatience de voir la suite.
On dirait un feuilleton à la Dumas genre les trois mousquetaires ...