Véronique et Patrice sont des piliers de Wilipi, des photographes animaliers accomplis, je dirais même, si je n'étais contredit par leur jeune âge, de vieux briscards de la photographie animalière, avec déjà de nombreuses expositions à leur actif. Ils ont une prédilection pour l'Afrique, le continent des origines, ils en illustrent les beautés et merveilles tout en dénonçant les menaces qui pèsent sur elles.
Bernard : merci du temps que vous nous avez (très généreusement) accordé pour cet interview sur Wilipi
Véronique : C'est un grand plaisir de pouvoir dialoguer avec toi, Bernard !
Patrice : C'est nous qui te remercions pour cette mise en lumière :D
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1- Bernard : vous participez activement à la vie du forum wilipi.net et êtes membre de l’Association Wilipi. Que cela vous apporte-t-il ?
Véronique : de pouvoir admirer de très belles images, de voyager à travers les Carnets de Voyage tous aussi magnifiques les uns que les autres, de découvrir de nouvelles espèces d'oiseaux ou des espèces tout court, certaines assez rarement photographiées. Les membres qui participent sont très souvent des naturalistes ou des biologistes confirmés, voire de métier. J'apprends tout le temps sur Wilipi, et c'est passionnant ! J'ai aussi une très grande admiration pour le travail de certains d'entre vous qui recensent des espèces toutes plus extraordinaires les unes que les autres soit par leur beauté, soit par leur rareté, parfois les deux. Un grand bravo pour cela aussi.
Patrice : tout d'abord de rencontrer et d'échanger avec des passionnés de vie sauvage et des photographes accomplis. C'est enrichissant de découvrir certains pays, certaines espèces et la richesse de la vie animale sur Terre.
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2- Bernard : et que cela pourrait-il vous apporter ? Autrement dit, avez-vous des suggestions pour le site et/ou pour l’association ?
Véronique : Je trouve le site très complet et très bien fait. On peut aborder tous les sujets ou presque selon ses affinités. Les galeries des membres sont là pour visualiser le travail de chacun. Si je peux me permettre une petite suggestion, ilfaudrait juste inciter les participants à participer un peu plus, pour qu'il y ait plus d'interactions entre les membres et dynamiser le site. Je n'ai pas d'idée lumineuse sur la façon de procéder pour autant !
J'ai adoré le week-end rencontre chez Marc au Verger de la Linotte, ce genre de sortie est toujours très sympathique et il ne faut pas hésiter à les renouveler, ici ou ailleurs.Cela permet de souder des gens venus d'horizons différents mais qui ont des passions communes.
Patrice : comme Véronique. Avec les dernières modifications opérées par Yvon le site fonctionne mieux, pour notre plus grand plaisir.
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3- Bernard : pouvez vous pour les copains de Wilipi donner quelques éléments biographiques que vous trouverez pertinents (votre vie, de la petite enfance à la maturité, mais sous l’angle photo, quoi, encore que…)
Véronique : j'ai commencé la photographie assez jeune (père photographe) mais j'ai rapidement suivi ma propre voie par passion des animaux et de la vie sauvage. Petite déjà, je jouais à Daktari, faisant endosser à ma sœur, la pauvre, le rôle du chimpanzé. J'aurais aimé être vétérinaire, mais mon manque total (et parfois inquiétant) de logique mathématique a eu raison de ce rêve là. En ce sens la rencontre avec Patrice a été déterminante car il m'a permis de réaliser un autre rêve d'enfant, aller photographier les animaux sauvages d'Afrique !
Patrice : tout jeune je lisais les bandes dessinées de Edgar Rice Burroughs (Tarzan), puis les épisodes télévisés de Daktari ont doucement fini de conditionner mon esprit vers la vie sauvage. Implicitement la photographie s'est imposée à moi au fil des années. Puis le passage par le labo photo N&B a complété et confirmé cette passion.
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4- Bernard : comment êtes-vous venus à la photo (ou comment la photo est venue à vous) ?
Véronique : à défaut de pouvoir soigner les animaux, je les photographie ! C'est peut-être une bonne synthèse :-D
Patrice : voir question précédente.
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5- Bernard : est-ce que vous privilégiez la photo animalière ou pratiquez-vous d’autres types de photo, portrait, paysages, macro, photo de rue, etc. ?
Véronique : paysages, portraits, monuments, sport à l'occasion. Mais l'essentiel de notre passion reste la photo animalière.
Patrice: aujourd'hui 90% de ma pratique photographique va vers la photo animalière mais j'ai également fait de la photo panoramique, une toute autre technique, que j'utilise en photo de paysage ou de monuments.
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6- Bernard : comment voyez-vous la photo animalière, pourquoi la privilégier ?
Véronique : au départ la photo animalière était simplement un plaisir personnel. Mais très rapidement nous nous sommes aperçus de l'urgence de témoigner de la fragilité et de la beauté des mondes sauvages, et de la dégradation des biotopes, de la disparition des espèces. La prise de conscience doit être générale si nous voulons tenter de sauver ce qu'il reste. Plus nos photos ou nos expos sont diffusées, plus nous pouvons alerter, témoigner, tenter d'inverser les mentalités. Nous avons un nouveau projet d'exposition qui reprendra ce thème sur l'exemple du continent africain, en documentant sur les associations et les hommes qui se battent sur le terrain.
Patrice : dans ce monde de brutes, il est urgent de pouvoir capter pour soi et pour les autres toute cette merveilleuse vie sauvage, malheureusement en train de disparaître. Je ne me lasse pas de photographier lions, éléphants et autres bestioles ainsi que les piafous évidemment.
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7- Bernard : dans vos voyages photo-nature, quels sont les domaines de chacun, comment se fait la répartition des rôles, en un mot (en fait un peu plus que ça), comment fonctionne votre binôme photo ?
Véronique : Patrice s'est octroyé le 500 mm et le portrait serré. J'aime bien privilégier les ambiances, les plans plus larges, les scènes d'action. La répartition de nos rôles peut aussi être liée à ce que chacun a anticipé dans sa tête photographiquement. Sur un spot, nous communiquons beaucoup (le plus discrètement possible) pour être sûrs que nous allons être complémentaires dans nos prises de vues. Il arrive qu'il y ait des ratés :D
Patrice: sujet délicat qui n'est pas toujours simple, mais dans l'ensemble nous avons réussi à trouver un réglage qui fonctionne pas trop mal (même si quelques sorties de route sont toujours possibles :-D) : je manipule le couple 7 D Mk II + 500 mm, un peu plus lourd, et pendant ce temps Véronique travaille avec un vieux 70 D qui lui convient bien + 300 mm. Un 3ème boîtier est à disposition de nous deux, un 6 D II couplé avec le 70-200 2,8. Nous avons aussi le grand-angle. Véronique se charge de la vidéo en plus de la photo (GoPro + un vieux Panasonic et/ou les boîtiers). La gestion des cartes mémoires et de la sauvegarde sur disque dur et PC me revient exclusivement. Toute entorse à cette organisation entraîne de graves dysfonctionnements :-D
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8- Bernard : quelles sont à votre avis vos affinités pour tel ou tel type de photos, vos qualités photographiques, et, s’il y en a, ce dont je doute, les points que vous voudriez améliorer, ou simplement changer ?
Véronique : je ne considère pas du tout être au sommet de ce que je peux faire, ou du moins de ce que j'aimerai montrer. Au contraire. Finalement, je pense que notre principale qualité est de toujours se remettre en question, de toujours douter, de toujours chercher à s'améliorer. Et en plus nous avons la chance d'être deux à être critiques sur notre production, ce qui créée une émulation permanente.
Patrice : mes préférences vont vers le portrait serré et la prise de vue en anticipant la conversion de l'image vers le N&B. Défaut : je pense trop souvent N&B. J'aimerai m'améliorer sur la notion d'animal dans le paysage.
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9- Bernard: pour vos sujets de prédilection pratiquez-vous un repérage à l’avance des spots, ou vous en remettez-vous à la chance (qui se mérite, ne l’oublions pas) et à Dame Nature ?
Véronique : avec l'expérience, nous passons beaucoup de temps à prendre « l'ambiance de la brousse ». Ce n'est pas vraiment du repérage à l'avance, c'est plutôt quelque chose qui ressemble à humer l'air ambiant si je puis m'exprimer ainsi. Nous pouvons passer des heures au même endroit si nous savons qu'il s'agit d'un territoire possible pour un animal que nous aimerions photographier. Il n'y a jamais de garantie évidemment. Parfois aussi, il y a de l'électricité dans l'air, cela se voit au comportement des animaux. Dans ce cas nous sommes particulièrement attentifs, aux aguets. Mais de toute manière c'est toujours Dame Nature qui a le dernier mot. C'est une des grandes difficultés de la photographie animalière, les scènes sont difficilement prévisibles car les animaux restent imprévisibles. C'est pour cela aussi que la discipline est si passionnante ! Et finalement, la nature nous offre tellement plus que tout ce que nous pouvons imaginer !
Patrice : nous étudions quand même à l'avance le biotope dans lequel nous voulons évoluer, dans la mesure du possible. Inutile d'aller en plein Sahara pour espérer photographier le Bec-en-sabot !
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10- Bernard : et comment choisissez-vous vos sujets, hyènes, geladas et autres ? Des affinités particulières pour l’espèce ? L’occasion ? Ou autre ?
Véronique : pour les hyènes par exemple, ce fut une histoire de répulsion/attraction depuis ma découverte de l'Afrique sauvage il y a une quinzaine d'années de cela. Il y eut plusieurs rencontres fascinantes puis une scène marquante, terrible. J'ai eu rapidement la volonté de ne pas rester sur une impression négative, de ne pas céder aux à priori, et j'ai entrepris beaucoup de recherches derrière. Ensuite, j'ai préparé les images mentalement, ainsi que l'histoire que je voulais raconter. Et enfin il y a eu le facteur chance car il faut évidemment avoir l'opportunité d'assister aux scènes imaginées. Finalement, celles-ci ont largement dépassé mes espérances. Cela dit, il m'a fallu deux années différentes de prises de vue pour réunir les 13 images de l'exposition !
Patrice : souvent avant de partir en voyage, en France ou ailleurs, un sujet me taraude l'esprit. J'ai généralement étudié à travers la littérature scientifique l'espèce concernée et j'essaye ensuite de privilégier ce sujet à la prise de vue. Mais la vie sauvage en décide parfois autrement. J'ai donc toujours d'autres sujets possibles en tête.
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11- Bernard : avez-vous une préférence pour un continent particulier, notamment pour l’Afrique ? Et si oui, pourquoi (oui, je veux tout savoir !) ?
Véronique : il me semble que j'ai évoqué le fait que nous aimions un peu l'Afrique ! C'est une addiction nous vient tous les deux de très très loin, lorsque nous étions enfants. Ce continent représente pour nous le symbole des derniers espaces sauvages où l'animal est encore roi en son domaine. Nous sommes tombés amoureux de sa puissance et de sa splendeur. De ce mélange envoûtant entre beauté et férocité. Les comportements des animaux sauvages n'y ont pas été encore trop imprégnés par la présence de l'homme et ils nous montrent un monde oublié, venu de la nuit des temps. Notre imaginaire peut se nourrir de leur totale liberté.
Patrice : même réponse. Et notre intérêt pour la préhistoire trouve une résonance particulière sur cette terre originelle propre aussi à l'histoire humaine.
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12- Bernard : voyagez-vous avec un guide ? un chauffeur ? ou en self-drive ? Ou bien les trois (je ne vois pas d’autres options, mais ne vous gênez pas si…) ?
Véronique : nous prenons toujours un guide avec nous. Nous faisons confiance aux hommes qui connaissent bien mieux que nous les territoires que nous explorons. D'un point de vue pratique, on peut difficilement conduire, se repérer, et observer et photographier en même temps, sauf si l'on a la possibilité de passer beaucoup de temps sur place.
Patrice : nous privilégions toujours l'assistance d'un guide. Ceci nous permet de nous consacrer aux images et à nos sujets. Leur connaissance du terrain est également essentielle à la recherche des animaux.
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13- Bernard : des changements en perspective dans votre manière de fonctionner ? Nouveau matos, nouvelles destinations, nouveaux sujets, nouvelles techniques ?
Véronique : nous pouvons toujours faire mieux, progresser, nous améliorer. Nous aimerions consacrer plus de temps à faire de la photo. Cela viendra. Et j'aimerai travailler sur une plus grande aisance d'expression dans nos images.
Nous sommes souvent tentés par d'autres destinations mais toujours l'Afrique nous revient en tête et nous manque.
Pour les nouveaux sujets nous présentons actuellement une série en couleur sur les ombres et les lumières de l'Afrique sauvage, et nous venons de finaliser une autre exposition en N&B qui nous permettra de témoigner, à travers une dizaine d'espèces les plus emblématiques d'Afrique, de la beauté et de la très grande vulnérabilité de ces animaux exceptionnels qui ont nourri notre imaginaire depuis des siècles et pour qui nous ressentons une immense admiration. Une faune mythique qui s'effondre et est en train de disparaître. Cette nouvelle série sera complétée par des textes documentés sur l'état de conservation de chaque espèce photographiée et les périls auxquels elle est directement exposée.,
Patrice : nouveau matos, c'est non pour l'instant. Et sinon me perfectionner dans l'art du filé.
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14- Bernard : une question accessoire, sur justement les accessoires que sont matériel photo, objectifs, sacs etc. Jugez-vous le matériel contingent ou essentiel ?
Patrice : les deux, mon Colonel ! (je suis Normand ne l'oublions pas). Essentiel : à chaque prise de vue au bout du monde dans des conditions pas toujours faciles un sac étanche où le matériel est bien protégé à toute son importance. Un objectif tropicalisé quand l'humidité est importante également... Contingent : le matériel n'est qu'un moyen permettant de fixer sur la pellicule (euh...) le capteur la beauté et l'émotion que notre œil vient d'admirer.
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15- Bernard : sans entrer dans le grand éternel débat Cakon contre Ninon (ou un truc comme ça), referiez vous les mêmes choix ?
Véronique : au départ j'étais en Nikon, je tiens à le préciser. Patrice m'a convertie. Assez facilement.
Patrice : là encore, l'un ou l'autre c'est du pareil au même. Même si je trouve en tant qu'utilisateur Canon une ergonomie dans les menus et les manettes beaucoup plus instinctive que chez son concurrent.
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16- Bernard : vous arrive-t-il d’échanger votre matériel ou plus simplement d’utiliser le matériel de l’autre ?
Véronique : oui cela arrive bien-sûr. Occasionnellement lorsque les circonstances l'exigent. L'un de nous est mieux placé que l'autre, ou bien une scène particulière nécessite de changer de focale pour l'un d'entre nous.
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17- Bernard : avez-vous des conseils d’équipement pour le débutant ?
Patrice : prendre un boîtier relativement simple d'utilisation, en milieu de gamme, mais privilégier une ou des optiques de qualité car le budget pour un débutant reste un point essentiel à prendre en compte.
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18- Bernard : et plus généralement, des conseils pour le photographe animalier débutant ?
Véronique : de la passion, de la passion, et encore de la passion. Beaucoup de patience. Apprendre des grands photographes. Ecouter, absorber. Apprendre à trier sans concessions. Et ne pas se décourager.
Patrice : prendre son temps et apprendre à observer, se documenter sur les écosystèmes et l'espèce photographiée. Et visiter souvent le site Wilipi !!
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19- Bernard : pour le débutant ou l’expert, des précautions, astuces, trucs ?
Entre autres, comment gérez-vous le problème du transport par avion d’un matériel lourd et onéreux ?
Véronique : je triche, mon sac à main est gigantesque ! :-P
Patrice : le problème du transport du matériel en avion... est un problème ! :D:D
Choisir une compagnie qui accepte le poids des bagages cabine le plus élevé possible ; des sourires et de la diplomatie lors des enregistrements car le poids est toujours supérieur à celui autorisé ; une petite astuce : quand votre sac photo est trop lourd et est refusé, sortir un boîtier ou un objectif ou les deux, le mettre autour de son cou, et faire peser à nouveau le sac ! Cela a toujours fonctionné en ce qui nous concerne.
Autre astuce en voyage surtout dans les régions très poussiéreuses : ne pas inter-changer les objectifs des boîtiers pour éviter l'intrusion inévitable des poussières lors de cette manipulation.
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20- Bernard : avez-vous une saison de prédilection pour voyager ?
Patrice : chaque saison a ses inconvénients et ses avantages. La saison des pluies permet parfois d'avoir des ambiances extraordinaires et des lumières très pures par exemple. La saison sèche permet de plus grandes concentrations d'animaux à proximité des points d'eau. Tout dépend du projet photographique.
Véronique : et le hors-saison a un avantage indéniable : il y a beaucoup moins de monde sur les pistes !
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21- Bernard : organisez-vous vous-mêmes vos voyages photo ou passez-vous par des agences ? Des recommandations ?
Patrice : nous organisons nos voyages, c'est-à-dire nous choisissons les lieux, le type de transport, la durée, le circuit, éventuellement les hébergements, mais en passant par une agence spécialisée qui a un bon réceptif sur place pour les réservations et l'organisation. Notre recommandation principale : privilégier dans la mesure du possible le sur-mesure à deux.
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22- Bernard : avez-vous déjà eu des soucis de matériel, des mésaventures, des craintes ou même des frayeurs dans vos voyages ?
Véronique : je me souviens d'un matin très tôt, au Bostwana, dans la réserve de Savuti, où je m'étais éloignée de notre camp de brousse alors que Patrice était encore dans la tente. A prendre le pouls de l'Afrique et à poursuivre les petits papillons. Nous n'avions pas dormi à cause des hurlements de détresse et d'agonie d'un éléphant qui avaient transpercé la nuit durant des heures. Je n'étais pas très bien, j'avais besoin de me dégourdir les jambes et je me suis retrouvée subitement très loin du camp sans savoir comment. Une peur panique est montée en moi, car les herbes étaient très hautes et il y avait des lions dans le secteur. J'ai cru mourir de peur le temps de retrouver le chemin du camp et de parcourir le trajet qu'il me restait à faire avant d'être à l'abri d'un prédateur. Quelques temps plus tard nous découvrions une troupe d'une quarantaine de lions autour de la carcasse d'un éléphant d'une dizaine d'années, à quelques centaines de mètres du camp à peine. Un très mauvais exemple à ne surtout pas suivre donc !
Patrice : nous avons évidemment connu quelques pannes mécaniques mais que serait l'Afrique sans celles-ci ! Une bagarre de hyènes juste à quelques mètres de la tente de brousse en pleine nuit reste l'un de mes souvenirs marquants !
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23- Bernard : faites vous un post-traitement poussé de vos photos ? Utilisez-vous un logiciel particulier, type LR, Capture, etc. ? Un mot du classement de vos photos ?
Patrice : toutes nos images sont réalisées en fichier Raw et sont développées avec LR CC. Le développement est très rarement poussé et l'utilisation des curseurs est faite avec modération sauf pour des images bien particulières. Cela m'arrive rarement d'utiliser Photoshop. La bibliothèque LR et ses mots-clés sont un outil puissant, encore faut-il avoir le temps de la renseigner. Et le temps me manque, malheureusement !
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24- Bernard : vous avez à votre actif plusieurs expositions qui ont toutes été des succès, pouvez-vous nous en parler, bon côtés et moins bons, anecdotes, enseignements ?
Véronique : tout d'abord la fierté de voir ses images exposées et de pouvoir en parler, de pouvoir les défendre, la possibilité qui nous est donnée de pouvoir alerter sur tous les dangers qui pèsent sur la faune, et raconter nos expériences. Et puis nous sommes aux premières loges pour admirer le travail d'autres photographes ! C'est un réel plaisir de pouvoir échanger en toute liberté avec eux et d'apprendre à leur contact. C'est extrêmement enrichissant. Je pense aux conversations avec Jean-Marie Séveno, David Wolberg, Grégory Pol, Bruno et Dorota Sénéchal, Kévin Wimez, Bruno Schulz, François et Eddy Rémy, Teddy Bracart, Michel d'Oultremont, Nicolas Orillard-Demaire ou Fabien Dal Vecchio par exemple, et que tous ceux que j'oublie me pardonnent. Tous des gens adorables et passionnés.
Patrice : nous montrons nos images depuis seulement trois ans. Mais quel plaisir de pouvoir échanger avec tous les amoureux de vie sauvage et de photographie ! Il est également très important pour nous d'alerter les visiteurs sur les menaces qui pèsent sur les différentes espèces que nous avons photographiées. Partager et sensibiliser sont des points essentiels dans notre démarche. Et les festivals nous le permettent.
Une anecdote : lors du Festival de Montier-en-Der un visiteur, jetant un coup d’œil sur mes images de singes Geladas réalisées en Ethiopie, se précipite à me raconter pendant plusieurs minutes qu'il a voyagé en Ethiopie et vu les singes. Emporté dans la narration de son voyage, il s'écoute parler, multipliant les anecdotes. Je le laisse faire son monologue. Puis soudain il me regarde droit dans les yeux et me demande : «Et vous, vous les avez vus, les Geladas ? » ????? :D :D
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25- Bernard : un livre à deux ou en solo est-il envisageable? Et si oui, ce serait sur quel sujet ? (j'veux tout savoir, j'vous ai dit)
Véronique : j'adorerais ! Nous avons beaucoup de choses à raconter et à partager, et cela fait longtemps que j'y songe. L'envie est là, la matière est là, les récits sont là... manque plus que le financement !
Patrice : cela nous trotte dans la tête depuis un certain temps. Beaucoup d'amis nous conseillent de franchir le pas. Nous espérons que nous pourrons concrétiser un jour ce projet là. Les sujets ne manquent pas : portraits N&B, préservation des espèces, etc...
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26- Bernard : vos tirages d’exposition sont magnifiques, aussi bien en noir et blanc qu’en couleurs. Avez-vous des conseils pour vous imiter ou pour essayer de vous imiter ?
Véronique : pour ceux qui voudraient exposer, le conseil que nous pouvons donner est de présenter une série la plus cohérente possible. Le texte d'argumentation à soumettre aux jurys des festivals est essentiel aussi, il doit être pensé comme le support des images.
Patrice : merci pour le compliment Bernard ! Il faut photographier avec son cœur et surtout, surtout, pour le N&B, penser son image en N&B lors de la prise de vue. Pour ceux qui n'ont pas un viseur électronique comme moi ! :D
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27- Bernard : des livres vous ont-ils aidés, et si oui, lesquels ? Quels livres techniques ou non recommanderiez-vous ?
Véronique : à mes débuts en photo animalière j'ai beaucoup consulté le livre de Gilles Martin et Denis Boyard « Photographier la Nature dans tous ses milieux ». Nos livres de chevet ont été ceux de Christine et Michel Denis-Huot. Les livres coup de cœur à citer en vrac : « Terre des Lions » de Laurent Baheux, « Genesis » de Sebastao Salgado, « L'Afrique au crépuscule » et l'extraordinaire « Inherit the Dust » de Nick Brandt et le dernier livre de Vincent Munier « Tibet Mineral Animal » qui est une pure merveille.
Patrice : chaque année paraît le Wildlife Photographer of the Year publié par la BBC, le nec-plus-ultra des meilleures images du monde.
Le site Wilipi où de très belles images sont publiées par des photographes de talent (et modestes) même si ce n'est pas un livre !
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28- Bernard : vos photographes préférés, qu’ils soient animaliers ou non ?
Patrice : Nick Brandt pour la force et la sensibilité de ses images, pour son engagement pour la protection de la vie sauvage. Laurent Baheux pour son engagement et pour l'originalité des traitements de ses sujets. Vincent Munier pour ses images très poétiques et ses sujets exceptionnels. Et bien-sûr Christine et Michel Denis-Huot, dont nous sommes des admirateurs inconditionnels depuis des années. Pardon à tous les amis photographes animaliers rencontrés dans les Festivals que nous ne pouvons pas citer ici car la liste serait trop longue, nous avons aussi appris de chacun d'entre vous.
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29- Bernard : qu’est ce qui fait pour vous qu’une photo est bonne ? Qu’une photo animalière est bonne ? Y aurait-il une recette qui marche à tous les coups (oui, je sais, ça se saurait, mais ça vaut le coup d’essayer, non ?) ?
Véronique : la magie d'une belle image c'est la combinaison entre la lumière, le cadrage, la composition et l'instant saisi. Mais comme aurait dit le Petit Prince, l'essentiel est de voir avec son cœur. Lorsqu'une photo a été réalisée avec amour, passion et respect, que les émotions ressenties transparaissent, cela peut devenir une très bonne image.
Patrice : pour moi, l'originalité d'une image n'est pas synonyme d'une bonne image. Une mode se dégage à mon sens depuis quelque temps, qui est de privilégier et de mettre en avant, dans les concours, magazines, expositions, des images originales, très post-traitées, pour la simple raison qu'elles n'ont jamais été faites avant. Esthétiques à l’œil, elles ne sont pas naturelles pour autant et parfois dérogent à toute déontologie allant jusqu'à nuire au bien-être ou à la vie des animaux.
Une bonne image c'est d'arriver à transmettre au lecteur une action, une sensibilité, une émotion saisie lors de la prise de vue.
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30- Bernard : pouvez-vous nous montrer votre photo préférée, faite par vous ou par un autre photographe animalier (ou non animalier d’ailleurs) ?
Véronique : les babouins dans la poussière de Michel Denis-Huot !
Patrice : moi aussi ! Et les images de Nick Brandt réalisées pour son livre « Inherit the Dust », en particulier celle-ci :
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31- Bernard : une question bateau, mais qui s’impose, comment voyez-vous votre avenir photographique, et quels souhaits faites-vous (et peut-on vous faire) ?
Véronique : Il est malheureusement impossible de vivre de ses images, comme cela fut le cas à une époque. Avec l'avènement du numérique la photographie s'est beaucoup démocratisée, et maintenant tout le monde peut y avoir accès. Alors peut-être, dans l'avenir, accompagner des voyages en faisant profiter de notre expérience. Cela nous permettrait de continuer à voyager. Continuer à exposer nos images, à rencontrer des gens passionnants, à s'engager pour la préservation de la faune sauvage. Pourquoi pas faire un livre comme cela a été évoqué.
Patrice : Continuer à voyager et à avoir la possibilité d'être les témoins privilégiés de ces fabuleux contes de la vie sauvage !
Que l'Afrique éternelle continue à vivre et que nos enfants et petits-enfants puissent un jour, à leur tour, s'émerveiller devant ce spectacle extraordinaire.
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32- Bernard : je vous épargnerai « et Dieu dans tout ça ? », mais quelles sont vos réponses aux questions que je n’ai pas (bêtement, il me faut bien l’avouer) encore posées ?
Véronique : tu as fait le tour me semble-t-il. Sauf peut-être, par délicatesse Bernard, manquerait la question sur la cause de nos disputes éventuelles : lors du tri de nos images, une étape ô combien importante, il peut arriver que nous ayons un avis contraire. Or nous cosignons. Patrice a tendance à beaucoup jeter, je suis plus prudente que lui et demande parfois une deuxième voire une troisième lecture avant d'écarter définitivement certaines photos. J'obtiens parfois un sursis, et il arrive que j'ai raison et qu'une image se révèle autrement au développement.
Patrice : Tu as été très précis et complet dans tes questions.
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33- Bernard : eh bien mais si ! Figurez-vous que j'allais oublier de parler de votre page Facebook et de votre superbe site Véronique et Patrice Qillard photographies ! Nous savons que la création et l'entretien dune page FB et encore plus d'un site demandent beaucoup de temps et de travail. En contrepartie, que pensez-vous que vous apportent votre page FB et votre site ?
Véronique : très bonne question !
Pour notre site, il s’agit d’une vitrine qui nous aide à communiquer (pour ceux qui veulent bien prendre le temps d’aller le consulter) sur notre travail, sur nos actualités d’exposition, qui servent elles même à échanger sur la fragilité du monde animal. Nous essayons de le tenir à jour très régulièrement, au fil de nos évènements.
Pour la Page Facebook le but là encore est de pouvoir échanger en essayant de toucher aussi un public moins averti. C’est également pour nous un moyen d’information rapide sur les associations que nous aimons bien, sur le travail ou les activités des autres photographes avec qui nous sommes en contact, sur les actualités des festivals, et sur les actualités de terrain.
C’est justement pour toutes ces raisons que nous adorons le site Wilipi, qui concentre la majorité de ces possibilités, avec en plus une très grande qualité de photos et d’informations naturalistes (contrairement à FB où il faut beaucoup trier parfois).
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Bernard : encore un grand merci d’avoir pris le temps et la peine de répondre à cette foule de questions plus ou moins inspirées.
Véronique : merci à toi, Bernard, et longue vie à Wilipi !
Patrice : merci à toi, Bernard, pour cet interview et à tous ceux qui prendront le temps de le lire.
Et merci à ceux qui nous ont lus !