SUJET : Ultima Thulé ou la balade du 66e Nord.

Après un peu de repos, une première mauvaise nouvelle tombe. Le réchaud nous quitte : nous avons perdu le fil piezo. Sans étincelle, difficile de faire du feu. Heureusement, c'est relativement simple à contourner. Après un détour dans Olafsvik pour acheter un briquet, la quête reprend. Je veux me perdre dans ces immenses champs de lave, (tenter de) voir les lagopèdes, trouver les refuges des cormorans...
Hélas, après une journée de recherche je dois me rendre à l'évidence : je vais rentrer bredouille. Le lendemain, je décide de partir passer la journée dans le parc naturel du Snaefellsnessjökull. Evidemment, le vent souffle fort, trop fort. Ca va être difficile d'observer des oiseaux dans ces conditions. Il pleut. Frustration. Après un long moment à attendre que la pluie s'arrête, je puis enfin ressortir de la voiture où j'ai trouvé refuge... Le vent s'est calmé, du moins au sol.
Le soleil jette ses dernières force dans la bataille qui l'oppose aux nuages. Dans un ultime effort, ces derniers rayons illumine les roches. Le temps de faire un petit contrejour classique ... sur une mouette juvénile.

Mouette tridactyle juvénile (Rissa tridactyla).


La péninsule possède un immense champ de lave que je décide d'explorer depuis les abords de la route. Il est extrêmement simple de s'y perdre tant les repères visuels sont inexistants (ou se ressemblent, c'est selon). A peine quelques minutes passées qu'un cliquetis sonore retentis. Je serais presque tenter de dire "qui est là?", mais je sais parfaitement qui est à l'origine de ce son. Les lagopèdes sont là, et ils sont nombreux. Leurs camouflages est si bon que je n'arrive pas à les repérer. Je me couche par terre et arrête de bouger. Malgré leur caquetements, il est difficile d'estimer le point d'origine. Je scrute dans le 500, mais rien à faire. La partie est déclarée perdue après pas moins de 4heures passé à les écouter. Restera les souvenirs...
Comme j'ai décidé de vivre en décalé cette semaine, il est pas loin de 4h du matin à présent. Dans quelques minutes le lever du soleil devrait embraser les nuages au dessus du Snaefellsnessjökull. Ce glacier qui inspira Jules Vernes. Le temps de préparer la prise de vue et ....

Le Snaefellsnessjökull au lever du soleil


Les 2 jours qui suivront se dérouleront sous une pluie batante. Tant et si bien que les journées furent simplement dédiées à de la reconnaissance... Ce n'est qu'au soir du 3e jour que le "beau" temps revient. Mais le vent aura gagné une bataille sur la tente : un des arceaux à cassé. Voilà qui est bien plus embêtant et difficilement réparable. Et nous avons encore 10 jours à faire...Une réparation de fortune avec une cuillère pliée et beaucoup de scotch (pour éviter de crever la tente) tiendra bon jusqu'à la fin du séjour, mais le coup est dur à accepter.
Le lendemain, lors du départ, nous passons par un Holuhraun, un désert de lave. Il est surprenant de voir la vie s'accrocher dans un tel désert, comme une lumière dans un océan de noirceur.

Dans le Holuhraun


Cette sublime péninsule mérite le détour. C'est avec un sentiment de trop peu que je la quitte pour le sud, sans savoir ce qui m'attend. Il faudra que j'y revienne. Comme une promesse...

Ton récit nous immerge parfaitement !!!

Superbe ce volcanisme

Hum ! ça ne me dit pas où sont passés les numéros manquants, Olivier

Faut bien garder de la place pour les photos qu'on va prendre cette année.

"Ton" Snaefellsnessjökull est très sympa, d'autant que ce n'est pas un sujet facile

J'adore les lumières

Bravo pour toutes les images

Merci à vous 3...

La suite, la fin du voyage est en vue...

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La route depuis Gründarfjordur se passe sans encombre, mais la fatigue se fait sentir. Mon acolyte est endormi, et la moiteur de la voiture est en train de m’ensuquer. La radio étant incompréhensible sans les sous-titres, je l’éteins. J’ouvre les fenêtres mais rien n’y fait. Il dort toujours et je fais l’erreur de ne pas le réveiller. Erreur car je ne peux pas me ranger sur le côté. Ce qui devait arriver arriva : un micro somme et je manque de retourner le 4x4. Cependant, la voiture percute la barrière de sécurité, et c’est toutes l’aile conducteur qui est esquintée. J’avais bien besoin de ca… Le corps humain est surprenant. Suite à cette mésaventure, nous avons rallié Vik après 3h de voitures sans le moindre bâillement ou envie de dormir. Mais le moral est définitivement sapé, surtout que la franchise ne faisait pas partie du budget.
Arrivé à Vik, c’est sans aucun entrain que nous déployons la tente sous la pluie. Comme souvent à Vik, le temps est en effet maussade bien que le côté austère du lieu persiste. Le temps de rejoindre la plage de Reynisfjara, le vent se lève et la pluie cesse. A moins que ce ne soit l’effet d’un micro-climat ? Je m’attarde sur ces fascinantes colonnes basaltiques, mais les embruns rendent toutes photos impossibles. La puissance des vagues m’impressionne, tant et si bien que les trolls échoués au quelques lieues de là semblent se débattrent des flots. Les pics de Reynisdrangar se dressent fièrement et les oiseaux l’ont colonisé depuis un certain temps maintenant. Las, si seulement une photo était possible. Mon optimisme habituel, à l’image de mon acolyte, est loin de me redonner du baume au coeur. C’est ainsi que nous reprenons la route vers le parc du Skaftafell, où ma détermination à ramener une bonne prise de vue de Svartifoss est restée entière. Cette cascade est pour moi sûrement l’une des plus belles d’Islande, sinon la plus belle. Pourtant la concurrence est rude, l’Islande comptant au moins autant de cascade que d’habitants. Mais la délicatesse de son écrin, ses colonnes de basaltes tombant telles des stalactites et son caractère intimiste en font vraiment une cascade à part. Il n’est par contre pas si aisé de la photographié puisqu’elle est orientée plein Nord et le basalte reste une roche plutôt (très) sombre. Il est donc d’autant plus ardu de ne pas se faire piéger par le contre jour.
Après 2 heures sur site à maudire ce fichu pont qui permet au pseudo randonneur de ne pas se mouiller les pieds, LA lumière arrive enfin … quelques tentatives infructueuses finissent enfin par laisser la place à une prise qui me satisfait en tout point. C’est un moment rare que celui du photographe, qui, ayant imaginé une prise, parvient à restituer ce qu’il avait imaginé.

Svartifoss, comme dans un songe


Svartifoss, le monde perdu


Les jours suivant sont dédiés à l’exploration du parc, mais sa sur-fréquentation nous ennuie.

Aussi, nous mettons le cap sur le dernier site de notre voyage : le mythique Jökulsarlon. En chemin, nous marquons un arrêt à Ingolshofdi, une oasis de vie perdue au milieu du terrible désert Myrdalssandur, dont la superficie atteint les 700 km2.
Sur une superficie assez réduite, goéland, grand labbe, macaques moine, fulmar et sterne se côtoient… Le vent est particulièrement fort ce jour là, et les oiseaux ne se risquent pas tant que cela à voler. Néanmoins, certains rentrent de la pêche … et d’autres se mettent en chasse. Il y a une telle quantité d'individus que l'on perd tout repère. Ca et là des macareux s'élancent de la falaise, d'autres reviennent du large le bec plus ou moins rempli.

Macareux moine s'élancant de la falaise


Macareux moine à l'atterissage


Mais, la mort rode dans le ciel, en témoigne les cadavres de sternes et autres macareux jonchant le sol par endroit. De par sa taille le grand labbe est le plus grand prédateur du lieu, et semble craint de tous. D'aspect pataud, ce n'est que lorsqu'il déploie ses ailes que l'on saisit sa force. Son envergure est intimidante et son air menaçant. Sa fougue ne l'empêchent pas de venir nous harceler, et nous nous retrouvons très vite sous le feu de ce bombardier qui multiplie les attaques sur nos trépieds que nous avons déployé en antenne. La force du choc est déjà impressionnante. On n'ose imaginer recevoir un coup de bec ...

Grand labbe


Macareux moine en vol

Les grands labbes ont réussi à se reserver tout un espace sur cet îlot. Après réflexion, je doute que cela ait été difficile. Il doit y avoir une dizaine de couple au total, qui vivent sans agressivité apparente envers leurs congénères. L'endroit semble douillet et tout à fait convenable pour les petits.

Poussin de grands labbes, rejoignant un parent


Les adultes n'hésitent pas à se prêter main forte. Surtout contre nous. Les séquences d'intimidation s'enchainent.

Grand labbe


Grand labbe


Nous quittons cet endroit, et notre dernier regard n'est guère réjouissant : les restes d'un macareux sont lentement englouti par le Myrdalsandur.

Une note peu réjouissante


Vingt minutes seront nécessaires pour revenir vers la route. De la, il nous faudra une heure de plus pour arriver au Jokulsarlon. Depuis ma dernière visite, je ne cesse de repenser à cet endroit. Il fait parti de ceux avec lesquels une connection s'opère, comme une marque faite au fer rouge. De celle qui ne s'en vont pas. La vue est toujours aussi saisissante, malgré le manque d'iceberg dans le lagon.

Jokulsarlon

Nous restons 2 jours sur place. Le premier jour nous laisse globalement sur notre faim, aucune espèce n'ayant osé se montrer. Heureusement, en allant vers notre lieu de résidence un pluvier doré nous permet de faire quelques clichés dans les hautes herbes malgré le manque de lumière...

Pluvier doré


Le lendemain, nous voulons rester jusqu'à 21h, afin de profiter au mieux des belles lumières. Après quoi, nous entamerons notre retour sur Keflavik pour un décollage 18h plus tard. Cette pensée, à mon grand étonnement, me laisse indifférent. Avec toute la casse rencontrée, je n'ai plus trop la tête à ce voyage. Comme si cela ne suffisait pas, un de mes filtres favoris n'a pas réussi à survivre à ce dernier transfert : il est brisé et inutilisable. Il vient s'ajouter à la voiture, la tente, le réchaud, la perte de cartes flashs et de photos. Cette liste résonne en moi comme une litanie macabre. Peut-être est-il temps que je rentre ? L'Islande vient de me rappeler avec force qu'elle ne peut être pris à la légère et qu'il vaut mieux être préparé : il est difficile de remplacer voire réparer certains éléments de base.

Mes pensées sont soudainement interrompues par le chant des sternes. Des dizaines de sternes rentrent ensemble par l'estuaire du lagon avec cris et plongeons. Une belle scène avant un départ!

Sterne arctique


Sterne arctique


Même un phoque nous fait l'honneur de sa présence...
Phoque commun


Les sternes disparaissent aussi soudainement qu'elles sont arrivées, sonnant le glas de notre voyage. N'ayant plus le courage de toucher le volant, je laisse mon compagnon de voyage prendre son tour de route avec un certain plaisir. Le lendemain, la douloureuse se règlera plus facilement que je ne l'aurait cru à la restitution du 4x4. Comme la première fois, l'Islande m'a enchanter malgré mes déboires. A tel point que je suis intimement persuadé que j'y reviendrais. Ce que je ne savais pas, c'est que se sera pour cette année!

Merci de m'avoir lu jusqu'ici, en espérant que ce carnet vous ait plu! J'espère pouvoir vous faire une suite en Mars.

Merci Spif pour ce voyage merveilleux

Je te souhaite de nous présenter la suite

Tes textes, cette alternance de photos de faune et de paysages font que ton carnet est tout bonnement magnifique, un vrai petit bijou, j'adore et j'attend avec impatience la suite en 2017 !!!

Merci à vous deux
Vincent, je crois que je vais rougir

Mais que c'est beau !
Quel talent il faut pour saisir ces paysages dans toute leur densité, la nuance des teintes et gérer les lumières ! Magistral !
Les oiseaux marins ne sont pas en reste. C'est Fa-bu-leux ! et j'adore le profil du phoque.

Merci pour l'enchantement, je me suis littéralement régalée.

La nouvelle saison est en préparation puisque Spif et moi rentrons d'Islande.
Il va falloir un moment pour traiter les photos et continuer le carnet mais nous avons porté haut les couleurs de Wilipi :

Magnifique reportage , et d'accord avec les autres pour l'alternance des textes , des paysages et de la faune ,c'est du grand reportage

Cool le T-shirt

Les paysages sont vraiment magnifiques