SUJET : Ultima Thulé ou la balade du 66e Nord.

Les observations suivantes me laisseront sur ma faim tant par leur brièveté que par la distance. Il faut dire qu'à cette époque, je ne possède pas de jumelles et de toutes façons, cela m'aurait valu un excédent de bagages... si tant est que je parvienne à leur trouver une place. Et oui, une tente reste encombrante!

La reconnaissance du terrain pour ma prise de vue paysagère m'a permis de situé plusieurs difficultés. Le site n'offre pas beaucoup d'angle de vue. Aussi parvenir à faire une photo pas trop convenue sera difficile. Deuxièmement, c'est un rocher très sombre, fait en très grande partie de basalte. Cela sera un vrai challenge de garder quelques sur ce rocher, peint de ci de là par les mouettes tridactyle qui y ont élu domiciles... Enfin, le monde présent sur site. Hier, c'était un troupeau d'hominidés (du genre sapiens, mais pas trop) qui était présent. Une bonne quinzaine! Et visiblement, aucun cadeau n'est fait. Si il faut apparaître sur la photo du voisin, on se place. Ce qui il y a de plus surprenant, c'est qu'il ne reste pas longtemps sur place. Même pas 20 minutes. Mais après leur passage, une grande partie du site est comme 'souillée'. Ne nous méprenons pas, il ne saccage rien d'autre que le sol par leurs empreintes de pas. Ce qui peut-être gênant lors de la prise de vue. Or, je ne sais pas encore sous quel angle je vais l'aborder, ce qui me chiffonne quelque peu.
Le lecteur assidu aura sûrement remarqué que ce rocher garde encore un certain mystère. Il est temps de lever le voile, il s'agit du rocher de Hvitserkur. Cela signifie littéralement la "chemise blanche" en islandais. La légende raconte qu'il s'agit d'un troll pétrifié par les rayons du soleil alors qu'il était occupé à lancer des pierres sur le monastère de Þingeyrar, non loin. Ce qui rend ce rocher si particulier est sûrement sa double arche naturelle, mais aussi un peu son isolement : il se situe à 60 mètres du rivage environ, et aucun autre rocher n'est là pour lui tenir compagnie. Encore une de ses curiosités dont seule l'Islande a le secret.
Le jour J, j'arrive un peu avant les belles lumières, mais mon enthousiasme redescend aussi vite que la température : un nouveau regroupement de photographe! Et comme si cela ne suffisait pas, le ciel est complètement bouché. Faisant contre mauvaise fortune bon coeur, je décide tout de même de descendre mes appareils. Après tout, je ne sais pas quand je pourrais revenir sur ce site. Et puis cela me permettra aussi de me frotter aux conditions de cette prise de vue évoquée plus haut...
Le placement n'est pas chose aisée, tant l'espace utile est réduit et les trépieds nombreux. Fort heureusement, ils se comportent comme attendu et repartent 10 minutes après mon arrivée, sans laisser de traces gênantes! Je suis plutôt pessimiste de nature, mais là, les éléments ont fait un effort...
Environ 45 minutes plus tard, le soleil est censé être assez bas sur l'horizon et la lumière ambiante devient violette à cause de la couverture nuageuse. Une des rares fois où j'ai pu voir cela. Je jette mon dévolu sur une algue échouée et sur les lignes de sable, qui me permettront de contrasté l'ensemble. J'espère que le troll restera figé.

Hvitserkur


Hvitserkur (bis)


C'est à présent chose faite! Je termine de profiter de la soirée et retourne à Blonduos me reposer. Demain, ce sont encore 500 kilomètres qu'il me faudra abattre pour rejoindre l'Est du Norðurland eystra, la région du Nord Est où d'autres merveilles m'attendent... Espérons que cette fois les conditions seront là.

Chouette, le carnet repart

C'est vrai que c'est compliqué à photographier avec cette lumière.
Mais surtout ... on se demande pourquoi on l'appelle la "chemise blanche"

Oui, pas facile avec une lumière aussi diffuse. Néanmoins, j'aime assez la première
Pour ce qui est de la chemise blanche, c'est en rapport avec le guano. Les mouettes ont élu domicile sur ce rocher et l'ont "décoré" à leur manière. Sous une lumière plus forte, on voit que le basalte est moins noir (si je puis dire) qu'il ne l'est réellement.

La suite s'est fait attendre, mais ça valait le coup
Merci, Seb

Superbe ce troll au milieu des ripples marks !
Quelle lumière ! Bravo pour le traitement particulièrement soigné des clichés !

Peut-être pas facile avec cette lumière mais en tout cas c'est drôlement réussi
La luminosité un peu surnaturelle du premier plan et le ciel chargé au fond donnent un côté lugubre au rocher et laissent imaginer les légendes dont il a pu faire l'objet. Magnifique !

Merci à vous.

D'ordinaire, je touche assez peu aux images, surtout pour le paysage ou je ne corrige que des petits défauts d'expositions et quelques pétouilles. Je me donne plus de libertés en animalier. Pour Hvitserkur, c'était vraiment une luminosité bizarre. Je suis assez content d'avoir su la restituer

Continuons le voyage vers le Nord-Est. Pour effectuer les 4 heures de route, décision est prise de partir en début de soirée. Cela me permettra de marquer une pause à mi-chemin à Godafoss. Cette chute est ainsi nommée suite à la conversion au Christianisme des chefs Islandais de l'époque. Afin d'entériner leur conversion à cette nouvelle fois, les anciens dieux furent déchus, et leurs statues jetées dans la cascade qui est depuis ce temps, leur dernières demeures. Tout le long du trajet, je pense à cette histoire et essaye d'imaginer la scène. J'arrive sur site après un peu moins de 2h de route. Les conditions sont idéales ou presque: pas de touriste, j'ai la cascade pour moi tout seul! Le ciel est dégagé, un peu trop même, cela risque de me compliquer la tâche à la prise de vue. Enfin, peu de vent. Après 1h passée à observer la cascade et le site alentour, je me décide à faire la première prise de vue au milieu du rugissement de ces eaux bouillonnantes.

Godafoss, la chute des dieux


Je profite du faible vent pour aller faire un tour en bas de la cascade. La vue est encore plus saisissante, mais les embrunts y sont très présents et rendent la prise de vue délicate. De petites pierres tombent des parois, rendant le lieu difficile d'accès mais aussi quelque peu dangereux. Je ne regrette pas longtemps cette prise de risque tant la vue est impressionnante. Il est vrai qu'il n'est pas fréquent de se trouver à quelques mètres au pied d'une cascade ayant un débit de 130m3 par seconde...


Satisfait de mes prises de vues, je file vers le canyon d'Asbyrgi ou je vais m'installer pour les 3 prochains jours.
Après un bon sommeil, je me dirige vers le centre d'informations local afin de récupérer quelques informations et notamment les prévisions météos. A ma grande surprise, la journée sera belle et ensoleillée avant que les conditions ne se dégradent le lendemain après-midi. J'en profite pour m'inquiéter des spots ornithologique auprès de la personne présente au centre d'accueil. Celle-ci m'indique quelques endroits pour voir certaines espèces dans de bonnes conditions. Aussi, je décide de profiter des superbes conditions pour passer la journée plus au nord et y observer l'avifaune. Cette journée merveilleuse s'achève en apothéose dans une toundra rase avec un coucher de soleil qui n'en finit pas de tomber. La proximité du cercle polaire arctique est saisissante. Le soleil passe juste sous l'horizon avant de ressortir, fournissant au photographe 3 à 4h de belles lumière si celui-ci a de la chance...

La première observation du soir est un chevalier gambette qui, grâce à son cri relativement puissant, m'a permis de le repérer.
Chevalier Gambette, Tringa totanus


Chevalier Gambette, Tringa totanus


Après un long moment passé à l'observer, celui-ci émettra de bref cri : mon compagnon de voyage s'est relevé! Son signal d'alarme aura fait fuir les autres limicoles du coin. Ces derniers reviennent assez vite en place. Le coucher de soleil me permettra une prise du vue classique mais évocatrice:

Chevalier Gambette en vol dans le couchant, Tringa totanus

L'humidité fait son apparition, en même temps que les derniers rayons du soleil s'estompent pour les 2 prochaines heures... Le complainte des pluviers retenti. Quel bonheur! En dépit de la température qui a rapidement descendu et me fait greloter, je me retrouve, là, au milieu de ces oiseaux et de ces chants... Les pluviers se répondent les uns aux autres, faisant mines d'ignorer notre présence. Leur camouflage est saisissant, tant ils sont capables de disparaître facilement dès lors qu'ils arrêtent de bouger. Je fais quelques photos, mais l'humidité à envahit la lentille frontale! Me voilà donc contraint d'attendre que le soleil revienne. Je profite du temps qui m'est donné et me positionne lentement auprès des pluviers pour avoir le soleil dans mon dos.
Lorsque le soleil refait surface, une douce et chaude lumière orangé enveloppe les lieux et disperse le brouillard qui s'était installé.

Je saisis l'opportunité qui m'est donné de faire quelques photos.
Pluvier doré, Pluvialis apricaria


Chevalier Gambette, Tringa totanus


Pluvier doré, Pluvialis apricaria


Je rentre fatigué, mais heureux. Il est 7h du matin. Après un bref somme, l'après-midi est déjà bien avancé et la météo a déjà considérablement évoluée et le soleil a laissé la place a des nuages lourds et chargés. Je décide tout de même d'aller admirer les cascades Selfoss et Dettifoss, n'étant qu'à 45 minutes de là. Sur site, il y a du monde...sur le départ! Il faut dire que les nuages sont particulièrement menaçant, mais le soleil est encore présent et de superbes éclaircies illuminent les lieux durant de brefs instants:
Dettifoss


La première cascade, Dettifoss, est la plus puissante chute d'eau d'Europe: 44 mètres de haut, 200 m3 d'eau par seconde, 500000 tonnes de matériaux charriés annuellement .... On ne peut se parler à plus de 5 mètres tant le fracas de l'eau en contrebas est étourdissant. Les éclaircies tendent à adoucir cette cascade. Sous une telle lumière, Selfoss, en amont, doit être une sorte d'enchantement. J'y vais à grandes enjambées, malgré les 15 kilos de matériel sur le dos. J'aurais du laisser le 500 dans la voiture, mais on est jamais trop prudent! Le canyon de selfoss est une merveille en temps normal, mais sous cette lumière, c'est à mes yeux un ravissement pour les sens.
Selfoss


Je rentre au campement, ravi par les dernières 24heures. Si seulement le reste du séjour pouvait se dérouler avec des conditions similaires... Hélas, cela ne durera sûrement pas. Il s'agit de faire preuve de philosophie et de se souvenir du proverbe islandais : "Il n'y a pas de mauvais temps, seulement de mauvais vêtements".

Les mots peinent à qualifier ces panoramas d'exception. Colossaux, austères et incomparables !

Ah, voila les cascades islandaises. Godafoss et Selfoss sont

Et le Pluvier dans la lumière est aussi magnifique.

Je viens de rattraper mon retard.
Un grand bravo à tous les deux ! Spif, tu le sais déjà mais tes photos de paysages sont fabuleuses un vrai plus par rapport à ce qu'on voit souvent. Et puis, un autre vrai plus, c'est la qualité des textes, on s'y croit !

Hum ! ça ne me dit pas où sont passés les numéros manquants, Olivier

Superbe ! Merci pour tous ces détails, et ces magnifiques paysages ! Selfoss :

Belle balade parmi ces cascades

Je reprends ton carnet et ne peut qu'être ébloui pas tous ces paysages et lumières magnifiques. Bravo.

Hello

Un grand merci à vous tous.

Catherine écrit: Je viens de rattraper mon retard.
Un grand bravo à tous les deux ! Spif, tu le sais déjà mais tes photos de paysages sont fabuleuses un vrai plus par rapport à ce qu'on voit souvent. Et puis, un autre vrai plus, c'est la qualité des textes, on s'y croit !

Hum ! ça ne me dit pas où sont passés les numéros manquants, Olivier

Euh ...

swkitt écrit: Belle balade parmi ces cascades

Merci d'être passé

Je vous propose de continuer le récit... Il y a pas mal de paysages à voir mais aussi du piafou

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Les 2 jours suivant se résument assez sobrement en l'espace de quelque mots : "pluie, vent, froid". Les prévisions n'étant guère encourageante, je décide de mettre le cap vers le sud. Au moins, si il pleut, je saurais pourquoi ... Mais la route des glaciers m'attire depuis trop longtemps et mon précédent séjour n'a fait qu'attiser cette volonté de découverte.
Une mince fenêtre devrait me permettre de faire quelque photo au Namaskard. Dans cette région, le sol est littéralement vivant, et la pancarte près d'un parking ne laisse guère de place à l'équivoque : "Ce chemin est régulièrement balisé par les gardes du parc naturel, mais sachez que vous l'empruntez à vos risques et périls." Engageant. Un croquemort ferait mieux. Le chemin est vraiment étrange. Dès les premiers pas, on a le sentiment d'être sur une autre planète : pas un bruit d'oiseau, pas une plante ne pousse. Seul le souffle rauque des fumerolles se fait entendre. Une odeur d'oeuf fermenté surplombe les environs. Par endroit, le sol qui paraissait stable et solide devient subitement mou comme du chewing-gum et je m'enfonce de plus de 5 centimètres dans le sol. Cette sensation pour le moins étrange est surtout extrêmement intimidante. Je fais quelque photos, mais mes prises de vues se résument au minimum. Néanmoins, cette année, un peu de chance (à moins que ...) avec un cratère juste à coté du sentier. A mesure que je m'approche, un sentiment étrange, mélange de crainte, de peur et d'exitation me prend à la gorge. La chaleur qui s'en dégage tranche nettement avec les 4 °C...

Namaskard, marmite de boue


Plus loin, des fumerolles attirent mon attention.

Namaskard, fumerolles


Encore plus loin, une vue magnifique sur le Hverfjall
Namaskard, vue sur Hverfjall


Après 2h sur site sans un nuage et dans des conditions idéale, je poursuis la route, direction la péninsule du Snaefellsness avant de partir dans le sud. J’avais déjà eu un bref avant-goût de cette péninsule avant de monter dans les fjords, mais ce fut bien trop court pour prétendre à une vraie découverte.
L'arrivée se fait tranquillement au petit matin, mais le temps ne semble pas de la partie. Sur la route qui mène vers Olafsvik, notre destination, le grain menace… mais n’est pas capable d’entamer mon enthousiasme.

Sale temps sur le Snaefellsness